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Papineau

sants sur les droits respectifs de l’État et de l’Église. Le 2 septembre 1875, sans perdre de temps, les membres de l’Institut procédèrent à l’enterrement de Guibord. À deux heures de l’après-midi, quelques centaines de personnes revinrent chercher la dépouille mortelle de Guibord pour la « reconduire » à ce que l’on croyait être sa « dernière demeure ». On remit le cercueil, recouvert du drapeau britannique, dans le chariot surmonté d’une croix et le défilé s’achemina vers la montagne. Une douzaine de voitures escortaient le corbillard. Rendus au cimetière catholique, les gens qui conduisaient le deuil se frappèrent de nouveau le front sur la porte fermée. Trois à quatre cents personnes, rassemblées en deçà des barrières, ne témoignaient pas, par leur attitude, de l’intention de faire une apothéose au mort. M. Doutre, dès lors, se concerta avec ses amis sur la conduite à tenir devant la résistance qu’on menaçait de lui opposer, car il ne voulait pas provoquer d’émeute ni exposer à un mauvais parti ses amis, en minorité dans l’assemblée. Cette minute d’indécision du chef du cortège enhardit l’hostilité de la foule dont la rumeur grondante montait toujours. De nouvelles recrues arrivées de la Côte-des-Neiges et des campagnes environnantes venaient renforcir le nombre des agresseurs. Quelques-uns étaient munis de pics, de bâtons, et leur mimique n’était pas rassurante. Comme M. Doutre ne voulait pas battre en retraite, sans avoir la loi de son côté, il fit demander à M. Laroche, employé du séminaire, la raison de son refus d’ouvrir les portes du cimetière. Celui-ci répondit très adroitement :

— Je ne peux me rendre à votre demande, sans danger pour ma vie.

Devant cette raison supérieure, M. Doutre n’insista pas ; mais il envoya un message au maire et au chef de police pour les mettre au courant de la situation. À quatre heures, comme il n’avait pas encore reçu de réponse des autorités, le corbillard chargé des restes de l’excommunié, prit de nouveau le chemin du cimetière protestant, suivi de la foule vociférante, qui montrait le poing au mort. Mais subitement, sa fureur se tourna