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Papineau

de ses attributions et de sa compétence. Il cesse d’être laïque en exagérant ses droits. L’État doit être entièrement neutre et désintéressé. Soldat armé du droit pour garantir la liberté, qu’il commence par la respecter dans sa forme la plus élevée, la conscience religieuse. Il est redresseur de torts et non d’erreurs. Il doit être aussi important de soustraire la foi et les croyants à l’arbitraire d’un gouvernement que de mettre les protestants et les libres-penseurs à l’abri de la tyrannie des catholiques fanatiques et outranciers. Les esprits libéraux ne peuvent être en faveur d’une politique de compression, quels que soient ceux qui veulent l’imposer. Ils s’honoreront en protégeant ceux dont les idées ne sont pas celles de la majorité comme en couvrant du bouclier sacré de la liberté jusqu’à ceux qui l’ont méconnue et foulée aux pieds aux jours de leur triomphe et l’imploreront plus tard à genoux.

La sentence des juges-lords d’Angleterre tomba comme un coup de massue sur la tête de ceux qui étaient loin de prévoir un semblable dénouement. Ils avaient espéré que l’autorité civile, comme il semblait être de tradition au pays, tendrait la main à l’autorité ecclésiastique pour maintenir le Québec dans une soumission absolue. Mais le droit anglais en décida autrement. Le procès avait coûté beaucoup d’encre, de salive et même d’écume. Il avait passionné l’opinion durant cinq ans et mis en relief des figures énergiques, des caractères tout entiers, arc-boutés dans leurs principes, qui ne cédèrent pas un pouce de terrain. Nous devons nous incliner devant la sincérité de leurs opinions. Le sort a voulu que ceux qui jouèrent un rôle important dans ce procès aient eu à souffrir de la malice des gens et de la rigueur du sort, comme si les larmes et les tortures morales étaient la rançon de la gloire et de la vertu. M. Doutre porta à son front comme une marque de Caïn le titre de défenseur de Guibord, qui le désigna à la malice publique. Deux fois, il affronta l’électorat, deux fois il fut battu par des adversaires peu scrupuleux qui exploitèrent le préjugé religieux contre un candidat redoutable par sa franchise, son courage et son esprit…