CHAPITRE XVIII.
BATAILLE DE SAINT-EUSTACHE
VOLTE FACE SUBITE DU CLERGÉ
Le troisième acte de la grande tragédie se passa à Saint-Eustache. Depuis quelque temps, les habitants avaient délaissé la chasse à l’orignal pour la chasse plus mouvementée à l’Anglais. Le joli village, abrité dans les arbres, qui suit les méandres capricieux de la rivière Sainte-Rose, avait, ce jour-là, le 14 décembre 1837, un aspect des plus animés. Des groupes stationnaient ci et là, et causaient avec exaltation. Des soldats improvisés barricadaient les portes des maisons, ou les environnaient de murailles faites avec des sacs de terre. Les femmes se sauvaient en courant hors du village, suivies de leur nichetée comme un troupeau d’oies apeurées. Soudain, on entendit une détonation formidable ; la terre trembla, une fumée noire s’éleva au ciel. C’était la manière des Anglais d’annoncer leur arrivée. Forte des succès remportés, l’armée de Colborne, composée de huit mille hommes, dirigeait ses colonnes régulières sur Saint-Eustache. Le curé Paquin, placé en vigie dans l’une des fenêtres du presbytère, n’en vit que deux mille, mais on sait qu’il avait des berniques complaisantes et opportunistes. Les insurgés, au nombre de quatre cents, armés de mauvais fusils, qu’ils avaient chipés aux Sauvages des Deux-Montagnes, étaient commandés par le docteur Chénier et Amury Girod. Quand M. Paquin apprit que les trou-