Cependant, avec toutes ces brillantes qualités, il aurait sombré dans le vide comme tant d’autres météores, s’il n’avait été l’incarnation du sentiment de tout un peuple. On lui trouvait une belle tête, non seulement parce que sa culture philosophique dépassait la moyenne de ses compatriotes, mais parce qu’il pensait comme le peuple. On aimait l’entendre, parce qu’il disait ce que tous ressentaient sans pouvoir l’exprimer.
La ratification d’une popularité si grande par la génération actuelle, chez ceux-là même qui veulent taire leur admiration pour le grand homme par crainte de se compromettre, n’a rien d’étonnant. Rien ne nous émeut davantage que la persistance de ce culte devenu vivant chez ceux qui n’ont pas été électrisés par sa voix et son geste. Rien ne fortifie notre foi dans un idéal humanitaire comme ce pouvoir moral et posthume exercé sur un peuple, après des années de silence voulu, par un patriote, qui est parvenu à imprégner son milieu d’une conviction puissante, quoique abstraite, à le passionner pour une vérité d’autant plus haute et plus difficile qu’elle est contraire à l’instinct de notre population paisible et indolente, à lui créer une politique nouvelle.
Pendant vingt-cinq ans, on a marché sur l’élan qu’il a su imprimer à notre province inerte.