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Page:Côté - Papineau, son influence sur la pensée canadienne, 1924.djvu/226

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La Contre-Révolution

de chance de se montrer indépendante si elle n’avait aucune attache au pays. Ce sophisme politique ne convainquit personne. Précisément parce que les étrangers étaient ignorants de nos mœurs, de nos traditions et de nos lois, il était à craindre qu’ils rendissent des jugements fantaisistes sinon injustes. En vertu de cet axiome : On n’est jamais si bien servi que par soi-même, les Canadiens voyaient avec inquiétude cette immixtion d’exotiques dans les affaires du pays.

Les gens qui se réjouissaient de l’arrivée de Lord Durham, s’en attristèrent par la suite. Sa réputation valait assurément mieux que lui. Le nouveau gouverneur semblait aussi mécontent de la situation qu’on l’était de lui. Il fallait statuer sur le sort des prisonniers de guerre qui encombraient les geôles et coûtaient cher au gouvernement. Les renvoyer sans procès, c’était une parodie de la justice, les garder sans procès, un attentat à la justice. Il tournait dans un cercle vicieux, sans pouvoir en sortir. Les gardes chiourmes avaient l’ordre de ne pas être sévères pour les prisonniers. Tous les jours il y avait des évasions, mais on ne pouvait pas abuser non plus de ces distractions volontaires, lesquelles se répétaient vraiment trop souvent.

Les loyaux, les bureaucrates, s’indignaient de ne pas voir fonctionner la potence. Il fallait encore faire des concessions à ces dévoués serviteurs de l’État.

Ce politicien roué, qui avait attaché plus d’un grelot, ne savait comment se tirer de ces complications, quand il lui vint à l’idée de se faire signer un recours en grâce par les prisonniers les plus compromis et les plus représentatifs. En conséquence, une requête des prisonniers politiques fut mise aux pieds du gouverneur. Elle était signée des noms suivants : M. Bouchette, Wolfred Nelson, N. Desrivières, L. H. Masson. H. A. Gauvin, G. Marchesseau, J. H. Godin, et B. Viger. Le conseil de Lord Durham condamna à la déportation les signataires du placet et à l’exil aux Bermudes, quatorze chefs révolutionnaires qui s’étaient enfuis aux États-Unis, parmi lesquels se trouvaient Papineau, l’abbé Chartier, George Étienne Car-