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L’Âme de Papineau

èrent déjà à lui faire réintégrer le néant.

Qu’on se figure Papineau qui avait pour père un homme universellement aimé et respecté pour son dévouement à l’intérêt public : il pouvait, s’il avait eu l’âme orgueilleuse qu’on lui prête, se contenter de la position héritée de l’auteur de ses jours, et de ses dons personnels. Un vulgaire ambitieux aurait trouvé le lit bon et s’y serait mis à l’aise, se contentant de secouer les plumes de temps à autre, comme ont fait depuis, dans la politique, nombre de fils à papa. Cette doctrine pompeuse et délétère, qui proclame la souveraineté du but en justifiant tous les moyens qui peuvent y atteindre, était également inconnue de Papineau.

Le parlementarisme existait alors dans sa forme primitive et n’avait pas eu le temps d’amoindrir les caractères.

L’héritier d’un politicien, aujourd’hui, est rompu à toutes les roueries du métier. Il arrive à la législature souvent lesté de bonnes dispositions. Il s’est composé un programme merveilleux, qui n’a pas le temps de voir le jour parce que l’ablation de la conscience est l’opération première que l’on fait subir à ce néophyte.

Papineau hérita de son père une certitude dans la vérité qu’il proclamait. Pour le reste, il se fiait non pas au temps, à la justice, comme on l’insinuait alors lâchement, mais à cette parole vibrante dont il connaissait la séduction sur le peuple canadien-français.

Il possédait la clef d’or pour ouvrir les cœurs fermés et il ne la laissa pas rouiller. À la Chambre, dans les comités, comme en plein vent, il a prêché l’évangile sur lequel on marche encore aujourd’hui. Mais que disait-il à ces gens qui l’écoutaient bouche bée ? Un peu de ce que le Christ laissait entendre dans ses paraboles à ceux qui se pressaient sur la montagne pour boire ses paroles généreuses comme un vin d’Orient. Il prédisait à ces malheureux opprimés la fin de leurs souffrances ; il parlait de liberté, d’espoir, d’avenir. Il annonçait pour l’Église une ère nouvelle, car la religion était tracassée comme la langue.