Aller au contenu

Page:Côté - Papineau, son influence sur la pensée canadienne, 1924.djvu/46

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
31
La Politique Anglo-Saxonne

à nous parvenir, comme il y a des haines qui fermentent durant des siècles avant d’éclater. Dès 1785, des grondements sourds font pressentir la révolution. Papineau naquit à Montréal en 1787, alors qu’on sentait battre les artères de notre ville comme à l’approche d’une crise inévitable. Les habits rouges passaient provocants et jouaient le rôle du picador sur notre population placide qui, à la longue, finit par voir rouge. Son enfance dut être témoin de rixe fréquentes qui s’élevaient à tout propos entre Canadiens-français et Anglais et finissaient souvent tragiquement. Les premières impressions sont celles qui demeurent. Jamais il ne put se défendre de mouvements rétractiles en présence des ennemis de sa race. Les vainqueurs plus tard entreprirent la conquête de cet homme dont ils admiraient le caractère. Mais toutes leurs séductions échouèrent sur cet esprit granitique dont les bords restèrent hostiles, escarpés et inaccessibles. Quand il abandonna l’offensive, ce fut pour rester sur la défensive.

À quel âge les tendances révolutionnaires s’accentuèrent-elles chez Papineau ? Il semble avoir été consacré en grâce dans le sein de sa mère, car sa compassion pour les faibles, pour ceux qui souffrent se manifeste dès ses premières années. Cette tendresse de cœur est caractéristique chez ceux qui de bonne heure embrassent les causes populaires. Élu député en 1814, il avait déjà la gravité d’un meneur d’hommes. Il hérita de son père d’un cerveau favorable à l’éclosion des grandes idées. Sa mère avait l’âme ardente de Mme d’Youville, de Jeanne Mance. Les fils devint le collaborateur du père. Une communauté d’idées et de sentiments les unissaient étroitement. On peut dire que, depuis toujours, sa vie avait un but clair, direct, précis, même elle n’en avait qu’un seul, autour duquel gravitaient toutes les aspirations de sa jeunesse. Il en fut touché par une aussi belle courbe que celle de la flèche qui va darder le centre de la cible. Il est rare qu’on se soit « trouvé » avant de s’être cherché, au sortir de l’adolescence. Papineau déjà avait découvert son étoile qui brillait dans un orbe rougeâtre comme couronnée d’épines et pieusement, il la prit