des gouvernements particuliers) rejetèrent hautement de souscrire. À Québec, le général Murray, l’ami, le protecteur et le père du peuple, n’eut que la peine de lui notifier ses inclinations ; les « Canadiens », de leur propre mouvement, volèrent par bandes sous les drapeaux de Sa Majesté, et formèrent une brigade de 600 hommes, la plus leste, la plus brave, en un mot, la fleur de l’élite de toute l’armée provinciale.
Les généraux commencèrent par dégrader ces généreux volontaires en serviteurs et en laquais de tout le corps militaire, dont, en bêtes de somme, ils étaient chargés de voiturer sur les épaules les bagages dans les portages, de préparer les diverses cuisines, et d’effectuer à force de bras le transport en canots, sur les routes. Un déluge de pluie, dégorgeant des nuages qui règnent dans ces climats assez fréquemment, nécessite l’armée à camper dans une île, sous des tentes. L’inondation présageait une submersion générale. L’épée sur la gorge, on forçait ces malheureux « Canadiens » d’ériger des digues, et creuser des tranchées, au péril imminent de leur destruction ; tandis que les soldats anglais, assis tranquillement sous leurs asiles militaires, en spectateurs oisifs et insensibles, contemplaient avec un sourire insultant le spectacle de ces pauvres nouveaux sujets, dont on sacrifiait la sûreté à celle de l’armée « anglaise », dont la conservation était sans doute d’une nature bien éminemment supérieure.
Enfin le contre-ordre de l’expédition, de la part du général en chef (qui heureusement se ravisait) atteignit l’armée à peu près à la mi-chemin : les « Canadiens » furent congédiés ; mais avec des vêtements tout déchirés par le mauvais temps, sans poudre, sans munitions de bouche, sans canots même, pour regagner leur patrie éloignée, que la plupart ne revirent qu’après avoir longtemps erré dans le labyrinthe des forêts, et encore par les soins bienfaisants de ces mêmes barbares (c’est le nom dont l’Europe qualifie les Sauvages, nom qu’elle mériterait peut-être à plus juste titre qu’eux) que ces malheureux Canadiens étaient allés combattre, par l’ordre inhumain de leurs nouveaux maîtres. « Justice, humanité, reconnaissance de con-