les sièges d’honneur. Ils ne se faisaient pas payer, mais ils voulaient être traités avec les égards dus à leur talent. Il ne fallait pas que la « luette » leur séchât, sans quoi, on ne les revoyait plus. Les noces duraient trois jours et trois nuits. Le carnaval commençait le dimanche gras, finissait le mercredi des cendres mais non sans avoir mangé des crêpes, autrement, on attrapait la gale durant l’année. On dansait sans désemparer durant trois jours, et quelles danses ! Des galopades, des gigues à désarticuler les membres, des cotillons endiablés, d’où la vertu des femmes sortait intacte, mais non pas leur robe, pourtant en bon droguet.
Les Canadiens-français aimaient à jouer des tours. Un de leurs divertissements habituels, c’était de monter des charivaris aux gens qui leur semblaient quelque peu ridicule. Un veuf qui se remariait avant que son deuil fut fini ou qui épousait un tendron se faisait sérénader d’une manière peu agréable par un orchestre où les plats de vaisselle, les chaudrons dominaient. En guise de bouquets, il recevait par la fenêtre de vieux souliers de « bœuf ». Quand le couple se mettait au lit, d’où les planches avaient été enlevées, il plongeait dans le vide. Le lit était presque un autel, avec ses courtepointes nuancées comme la décomposition du prisme solaire. Il avait un ciel — touchant symbole — d’un bleu uniforme au milieu duquel on voyait deux cœurs percés d’une flèche. Le fiancé passait des mois à sculpter les poteaux de la couchette. Des loustics, le soir de la noce, y attachaient des grelots. Mais les facéties de ces gens simples étaient inoffensives. Il fallait bien rire de temps à autre, la vie était si triste.
Dans les villes, on s’adonnait aux sports d’hiver. Le patin qui prêtait de si jolies attitudes aux jeunes filles, combien de serments il écrivit sur la glace que la débâcle emporta. Qu’elles étaient joyeuses les parties de raquettes ! Avec ces bottes de sept lieues, on sautait des montagnes et des lacs. Elles étaient souvent détachées et le galant cavalier agenouillé, devant sa blonde, prenait bien du temps à refaire les nœuds… Oh ! c’était tout un événement, le passage d’une troupe de comédiens fran-