Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/332

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Tu laisses chacun d’eux suivre la loi de sa gravitation ; et jamais leur cours n’est dérangé ; et tout revient en son temps, les saisons et les fleurs, les oiseaux qui voyagent, les pluies et les sécheresses. L’homme parle toujours de liberté, mais il en méconnaît la condition première ; il comprime sa gravitation passionnelle et se montre docile aux volontés d’un autre. Voit-on que dans le ciel les astres se choquent et se consument ? Voit-on le plus vaste des univers paralyser le mouvement des autres ? Voit-on que les rois puissent digérer et boire, et vivre matériellement pour tout le genre humain ? Malheureux les hommes qui leur abandonnent leurs pensées pour conserver le bien-être de leur estomac !

188 Ici tout parle gloire, depuis les ailes de l’aigle qui trouvent un appui dans l’éther, jusqu’à la racine de patience qui cherche des sucs dans le rocher. Et moi aussi, j’aime la Gloire. Non pas cette fleur cultivée qu’on cueille en fléchissant le genou dans les antichambres du pouvoir, mais cette fleur rouge et solitaire qui croît ici, sur cette pierre nue, où le sobre sapin dédaigne de vivre.

Moi aussi, j’aime la Renommée, — qui ne l’aimerait ? — Non pas celle qui agace les passants par des propos obscènes, non pas celle qui se traîne sur les trottoirs comme une fille soûle, et qu’on voit tout le jour affichant un nom sur les murs. Mais celle qui se recueille loin des foules, qui ne sacrifie pas aux préjugés de l’époque, celle qui ne violente pas le jugement du temps. Je l’aime