Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/333

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encore quand elle bondit an bruit du canon, quand elle chante sur des cadavres, quand elle passe, les bras sanglants, au milieu des mondes qui vacillent sous la main du progrès.

Tout ou rien. Pas de réputation bâtarde, d’élévation sans scandale, de chute sans éclat. Jamais je ne donnerai de poignées de main en calculant ce qu’elles me rapporteront d’éloges. Je ne veux pas de ces croix déshonorantes, de ces rubans et de ces panaches dont s’amusent les hommes les plus sérieux et les plus laids, sans réussir à devenir plus distingués et plus beaux pour cela.

Tell ne fut si grand que parce qu’il fit son œuvre seul et dédaigna la conspiration chuchottière. Il ne prémédita point la mort ; il en souffrit trois avant d’en donner une. La Suisse ne dut la liberté qu’au sifflement de sa flèche, qui précipita les pas de la conjuration boiteuse.

Encore qu’elle soit de pourpre, la tunique de l’esclavage consume et avilit. L’habit fait le moine. Celui qui porte la livrée commune a l’âme commune. Creusez le fonctionnaire et le soldat jusque dans la moelle de leurs os, vous n’y trouverez jamais l’homme.




C’est du faîte des Alpes qu’on apprend à mépriser les fausses richesses. Quelles splendeurs humaines pourraient jamais remplacer ces splendeurs de la nature toujours immenses, toujours 189 nouvelles, toujours accessibles à tous ? — Tandis que