Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/348

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parent, elles la recréent de la mort que les hommes attirent sur leurs sociétés en violant les lois de la nature. Les premiers-nés des animaux et les premiers-nés des hommes perdirent leur vigueur et leur fierté en descendant dans les plaines.

« Qu’ils s’étendent au soleil dans les campagnes de la Lombardie, dans le jardin de la Touraine, parmi les orangers de Grenade, sous les treilles de Malaga ! Qu’ils dorment du sommeil de leurs 198 grands fleuves, qu’ils causent joyeusement comme leurs forêts, qu’ils s’engraissent comme leurs troupeaux. Ils ont désappris à bondir comme les torrents, à rester nerveux comme le chamois. Jamais les fleuves ne remontent aux torrents, jamais les chênes ne reproduisent de sapins : jamais non plus les civilisés ne pourront vivre dans les aspérités du roc. Leurs besoins sont devenus trop grands, et leurs corps trop faibles pour lutter contre une nature qui produit peu et menace toujours. Qu’ils ne tentent donc pas de remonter vers leurs sources, car leurs sources les dévoreraient.


« Fils de mes seules amours, ne va pas perdre ton âme libre dans la multitude de ces âmes esclaves. Quand tu verrais de près leurs iniquités, le cœur de ta mère bondirait dans ton sein, et la fierté de ton père soulèverait ton bras. Et ces hommes te cloueraient à leurs potences, tu mourrais dans l’infamie, et nous dans la douleur. Ne va pas dans les grandes villes, ne dérobe pas comme l’u-