Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome II.djvu/101

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en bonne terre, traceront, envahiront et finiront par étouffer leur père le JOURNALISME, vieux boxeur aux éperons à sonnettes, au panache de coton, fils puîné du caduc Saturne, méchant enfant malingre et précoce, honteusement conçu dans le dernier libertinage de son père avec la Réclame, la fille publique du dix-neuvième siècle !


Alors, sur chaque question, tout individu communicatif pourra donner son avis, le faire tirer à des milliers d’exemplaires et le répandre en public. — Alors les petites affiches remplaceront les grandes feuilles politiques et les hommes se formeront une opinion sans consulter leur journal favori. — Alors nous ne serons plus étouffés sous les gazettes qui pleuvent de la capitale sur les provinces. — Alors nous ne tremblerons plus devant le Ridicule ainsi que les petits enfants devant la Barbe-Bleue. — Alors l’esprit humain n’étant plus comprimé par la lourde presse, produira des idées abondantes, fécondes à l’infini, diversifiées à l’infini, aspirant à l’infini. — Alors sera définitivement levé l’interdit, le veto, l’état de siège, l’éteignoir que les chefs politiques maintenaient sur l’intelligence de tous. — Alors nous ne vivrons plus complices et victimes de la plus honteuse servitude, celle que nous acceptons et payons sans y être contraints. — Alors les illustrations de la boutique littéraire contemporaine seront ensevelies sous le léger linceul des oraisons funèbres. Ces réputations qui semblaient s’é-