Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome II.djvu/106

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écrite, simple et naturelle, se rapprochera de la diction parlée, où l’on pourra connaître son homme en le lisant.

Alors la dissimulation deviendra bien difficile. Les méchants ne supporteront pas le langage angélique, non plus que les bons le langage infernal. — Alors il n’y aura plus qu’une langue ineffable, sur la terre comme au ciel. — Alors il ne sera plus question de dictionnaires d’académie, de grammaires ni d’autorités grammaticales ; les fautes auront disparu comme les règles. — Alors chacun redoublera les consonnes ou les voyelles, heurtera, coupera, prolongera ses phrases selon ses caprices. — Alors les expressions et l’écriture accuseront la lenteur, la fougue, la bonne ou la mauvaise humeur, les dispositions et préoccupations du moment. Alors plus rien d’obligatoire ; mais les écrivains se sentiront entraînés vers la précision, la clarté, la grâce et l’originalité. Ces qualités seront mises en évidence par la liberté la plus étendue. — Dès la fin de ce siècle, les hommes qui ne se distinguent aujourd’hui que par plus ou moins de servile torpeur, ces mêmes hommes rivaliseront d’indépendance et d’émulation.


XIX


52 Je travaille comme le semeur, l’homme d’observation qui consulte le souffle des vents en jetant dans les airs un fétu de gramen.