Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome II.djvu/107

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Je prévois le temps où toute courbure sera redressée, toute humiliation relevée, toute calomnie réparée, toute route aplanie, toute difficulté vaincue, toute justice rendue. Je respire déjà la tiède haleine que nous envoie la Révolution pour annoncer sa prochaine venue ; je cours au-devant d’elle, les mains tremblantes, le cœur battant. Je respire dans l’avenir, je secoue rudement les chaînes d’aujourd’hui.

Au nez de la critique j’introduirai dans mes livres toutes les expressions familières, triviales même qui rendront bien ma pensée. Quand la langue française, médiocrement riche et harmonieuse, ne me fournira point le mot ou la consonnance désirés, j’aurais recours à d’autres langues. Quand je décrirai les mœurs des pays divers, j’emploierai les termes propres à la nation qui fera le sujet de mon étude. Me comprenne qui voudra maintenant ; je ne serai lu que plus tard.


Mes livres sont faits en vue des peuples qui sortiront de la grande révolution prochaine. Ils doivent contenir par conséquent beaucoup de locutions populaires, vulgaires, caractéristiques, beaucoup de mots étrangers au français, beaucoup de néologismes, soit de moi, soit des autres.

— Car les locutions populaires d’une époque représentent les habitudes qui s’introduisent dans une réunion d’hommes. Elles sont les feuilles vertes au moyen desquelles repousse incessamment l’arbre de la parole, l’arbre merveilleux qui ba-