Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome II.djvu/156

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prolétariat, un grand champ de carnage. L’homme n’aime la femme que le matin.

Lâcheté des lâchetés : tout n’est que lâcheté.

Et la Raison m’a répondu :

« La rédemption t’appelle : suis-la ! Pour tous ceux qui sont méconnus, abaissés, prostitués ; pour tous ceux qui souffrent, pour tous ceux qui attendent : combats ! La Justice le veut ; tu vaincras en son signe ! »

83 — Donc j’ai tourné mes regards vers la croix du Libre, du Juste qui révolutionna le monde à l’accent de sa voix. Et je publie ce livre à la veille d’une rédemption prochaine, complète, immense.

Et je sème, et je chante, et je crie : liberté.


J’ai dit en mon effroi :

Je suis un abîme de contradictions. — Quand la terre pure et riante resplendit au jour, je voudrais m’élancer dans les plaines du ciel pour l’avoir sous mes ailes, la chanter, l’adorer comme les libres oiseaux. Cependant, je ne sais quelle tristesse poignante, quel amer sentiment de l’impuissance humaine me retiennent enchaîné dans une chambre triste, sur quelque pauvre ouvrage, ironique avortement de conceptions plus vastes. Pareil à l’antique supplicié, je vois des harpes suspendues à tous les saules, et ma main s’en approche, et les branches s’élèvent comme des ressorts : et je ne puis chanter ! Ô misère ! Ô faiblesse ! Tantôt mon existence est une âcre débauche de douleur, tantôt un suave délire d’inspiration. Amant de