Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome II.djvu/180

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tout, ou tremble comme tout. On se dément, on se parjure septante-sept fois le jour. — Il n’est pas un bourgeois qui ne soit intimement, profondément convaincu de la décadence de son pays ; il n’en est pas un qui donnât volontiers un sou de son voisin. Et pas un cependant ne consentirait à avouer sa propre décrépitude. Il semble que, lui mort, le globe et les cieux cesseraient de marcher…


V

Universelles puissances, éternelle justice, pourquoi m’avoir jeté dans cette fourmilière où je suis dévoré ? Mouvement des sphères, que ne m’entraînais-tu dans des espaces plus éthérés, plus vastes, dans les mondes aérien et liquide aux limites inconnues ? Que ne me donnais-tu le cri sauvage de l’oiseau d’eau, sa grande aile voyageuse ; ou bien les nageoires du poisson agile, et ses écailles dorées qui traversent sans bruit d’infinies solitudes ?

Oh vivre au sein des eaux ! Avoir le cœur pur et les yeux transparents ! Sentir glisser son corps, souple, léger, rapide, de la vague à la vague ! Sur chaque flot brillant suivre une âme de femme, sourire dans chaque étoile à la mémoire d’un mort, trouver une illusion, un songe, une joie dans chaque rayon de lune égaré sur les arbres ! Dormir, se balancer, se mirer, s’élancer, plonger dans le cristal mouvant, y baigner ses cheveux,