C’est l’heure où les bandes de jeunes filles descendent la calle d’Atocha, légères comme des chevrettes qui vont sauter dans les clairières aux regards des étoiles. Les jeunes hommes bruns les précèdent, guidant vers le Prado la marche bondissante, entonnant des refrains dont la gaîté seule peut faire pardonner l’éternelle monotonie.
Ils chantent parce qu’ils sont heureux. Ils chantent comme le grillon des prairies, le pinson et la caille qui nous réjouissent toujours. Puissent-ils longtemps chanter ainsi !
Heureux les Espagnols qui savent s’accroupir aux pieds d’un sycomore, se draper dans la capa brune, remplir leurs poumons de la fumée du Manille, et rêver par de pareilles nuits !
Heureux les Espagnols qui sont aimés dans les nuits de vervenas, quand les niñas émues pressent leurs têtes dans leurs mains frissonnantes, et qu’ils dorment sur leurs genoux, caressés par la dentelle des mantilles !
Heureux les Espagnols à l’œil fauve, au jarret nerveux, aux bras souples, qui s’élancent dans le tourbillon du bolero !
Tournez, tournez, enfants de la Castille !
Cherchez le bonheur dans les grands yeux de vos maîtresses, pressez leurs tailles minces ; unissez-vous, séparez-vous ; menez, ramenez le joyeux bolero !
Bondissez, roulez comme les flots ; arrêtez-vous pour respirer un instant, et reprenez toujours ; passez, repassez devant mes yeux qui vous admi-