Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome II.djvu/440

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Et ce Dieu qui réussit dans l’escalade du ciel, ce Dieu qui retient ou déchaîne les vents selon sa volonté, ce Dieu qui, vu des plaines, paraît plus léger que l’éther, plus menaçant que la foudre, ce Dieu, c’est l’Homme moins carré d’épaules, moins haut de taille encore qu’il ne l’est aujourd’hui. — Magnificat !


Au sommet des collines, le long des frais ruisseaux qui parcourent les vallées, la Déesse du Bonheur conduit son char. Les heures qu’elle choisit pour sortir de ses retraites sont celles de l’Aurore, de la Lune et d’Iris. Alors les plis de son manteau se confondent avec la teinte répandue sur les cieux ; ils sont roses comme elle. Rose est aussi sa bouche ; blancs son cou, son visage et blanches ses épaules, de cette blancheur de femme, signe certain de repos et de santé. Son œil est doux, velouté, noir comme celui des chevaux et des gazelles. Sur la soie de sa robe la brise étale, ainsi qu’un voile, sa chevelure dorée. Les boucles en sont si longues qu’elles traînent sur ses talons, si parfumées qu’elles répandent autour d’elle de divines senteurs.

Elle a seize ans ; elle est grande, élancée, flexible comme la tige du lys. De ses lèvres petites, vermeilles, frémissantes de tendresse, elle détache des baisers avec sa petite main nerveuse, marbrée de veines bleues :

« Venez, prenez, cueillez, buvez, dit-elle aux hommes ; c’est l’aspiration de mon âme, c’est