Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome II.djvu/455

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quand elles glissent sur les eaux, on pourrait croire que nage le grand Léviathan dont parle le Prophète. — Plusieurs portent sur leurs ponts des feux de Bengale rutilants ; elles paraissent comme la foudre qui roule parmi les eaux, comme un astre qui sombre, comme je ne sais quelle terrible puissance qui disposerait des épouvantements du gouffre. — Celles-ci suspendent au sommet de leurs mâts d’éclatants falots ; à les voir de la rive, on les dirait détachées du fleuve et brûlant sur la montagne opposée comme un feu de Noël. — Celles-là qu’une lueur douteuse éclaire, figurent parfaitement la sombre embarcation du vieux nocher du Styx ou le frêle bateau qui portait sur les glaces Thor, le Dieu puissant qui n’avait peur de rien. — Un grand nombre contiennent tant de lampions écarlates qu’elles semblent, sur l’eau verte, comme dans les buissons les rouges fruits que mûrit l’automne. — Sur beaucoup brillent des étoiles, des roses, des phénix, des papillons, des insectes dorés qui s’ébattent dans les cordages. — De plus nombreuses encore sont couvertes de guirlandes, de croissants, de dômes, d’étincelles, d’emblèmes nationaux et fédéraux, de flammes bizarres comme celles des bâtiments corsaires.

Quand toutes les nacelles sont illuminées de la sorte, on allume la lumière électrique. Elle frappe les objets de son éclat sidérant, elle produit des effets fantastiques en se réfléchissant sur les traits hâlés des matelots, sur les délicates figures des