Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/240

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— « Salut, lui dis-je, frère de la nouvelle patrie, je préfère te voir après ta mort qu’avant, j’aime mieux te connaître heureux que malheureux. Bénie soit ta visite ! Car je suis triste et seul, car je roule parmi les hommes comme une pierre luisante, et je leur fais une peur, une peur de revenant ! Je ne sais ni le jour, ni le mois de cette année terrestre. Dis-moi, frère, quelle heure est-il au ciel ? »

— Et lui à moi : « Il est l’heure où les guerriers couverts d’airain, les aigles, les coqs se réjouissent ; — l’heure fatale aux hiboux, aux hommes noirs, aux ténèbres ; — l’heure où dansent 420 sur les monts l’Aurore et les Résurrections aux écharpes d’iris, aux chevelures dorées !

» Oh ! qu’il est beau, mon frère, le ciel des prophètes, le ciel des fous, le ciel où l’on voit face à face Amos, Ézéchiel, Homère, Cassandre, Juvénal, Virgile, Christ, Saint-Paul, Dante, Swedenborg, Luther, Cazotte, Saint-Simon, Fourier, et le Grand, le Très-Grand, l’amant des mers immenses, Byron emporté sur un navire ailé !

» Frère, je ne te révélerai pas toutes les magnificences de ce ciel, car tu ne pourrais plus supporter la vie qui déjà te fatigue. Et tu ne saurais plus rien dire aux hommes ; car tu te sentirais, plus qu’à présent encore, au-dessous de tes rêves. Mais nous t’attendons, frère et parmi nous ta place est marquée.

» Patience donc ! Sois la trompette de nos voix qui descendent de l’Éternité. — Crie, ne te mé-