Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/307

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s’en retire avec la même facilité que la guêpe, du casque d’une fleur. Il laisse derrière lui bien des cadavres, et pas un remords, pas un regret, pas même une réputation douteuse. Son œil est dur comme du verre, son cœur ne bat plus que sous l’impulsion de la peur.

— Le patron, nom trompeur, amère ironie dans la langue de ces temps détestables ! Le patron d’autrefois, c’était le patricien 463 aux manières bienveillantes, le guerrier fort, le bon riche, le bon larron qui prenait soin de ne pas laisser mourir le faible et l’indigent. Le patron d’aujourd’hui, c’est une sorte de chiffonnier décrassé, liardeur, qui dévore la substance du pauvre et ramasse sur ses établis le restant du pain de sa détresse ! —


Il y a tant de misère dans ce pays ; le travail y est si pénible, si perpétuellement ingrat, le sommeil si rare, la nourriture tellement insuffisante que la race des travailleurs s’y est appauvrie. Vous la voyez malingre, rachitique, contrefaite, hébétée, presque sans vie, se traîner le dimanche sous les brillants portiques. — Comme si la croix du travail forcé n’était pas assez lourde pour faire fléchir les plus forts, et qu’il fallut y ajouter celle de la déformation !

Il y a tant de cupidité dans ce pays, la soif du gain y est si grande, la rapacité, la barbarie, l’exploitation y marchent avec tant d’impudeur à visage découvert, que l’entrepreneur, après avoir ruiné la constitution des malheureux ouvriers,