Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/380

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

après lui ! — Sur les frêles membres de son enfant on a jeté la mère ; elle entend ses cris aigus et ne peut se soulever ! — Les ennemis ne sauraient détacher l’une de l’autre leurs bouches qui s’embrassent, les amis se mordent avec avidité ! — Les plus étouffés veulent monter sur les autres et les meurtrissent pour se frayer passage ! — Les uns sont renversés la tête en bas, d’autres foulés aux pieds, d’autres écartelés, étranglés, râlants ; tous sont couverts d’un sang glacé qui leur donne un frisson mortel ! 508 — Il y en a beaucoup qui râclent avec leurs doigts la vermine qui pullule dans leurs entrailles vertes ! —

Le vieillard redevient nouveau-né ; l’enfant passe en quelques heures par tous les degrés de l’existence ; sa tête se couvre de cheveux blancs. Les femmes sont filles et mères à la fois ; la mort enfante des fœtus qui ne respirent pas. Tous ces débris du monde terrestre ne savent s’ils doivent désirer la mort ou la vie, ni ce qu’est la vie, ni ce qu’est la mort ! Ils grincent les dents et rient comme des fous ; ils sentent qu’on les dévore et qu’ils renaissent à l’instant même. Le globe leur semble un désert dont les grains de sable s’assemblent et se transforment pour constituer des êtres nouveaux. Ils voient l’air, l’eau, le feu passer sur un chaos de débris qui s’animent et renaissent. Ils ont perdu toute notion de l’espace et du temps. Ils s’écrient d’une voix lamentable :

« L’enfer est sur la terre ! »

Quand tout à coup, sur la cime des montagnes