Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/401

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sant de mes mains les rares brins d’herbe qui croissent sur la pente des abîmes inconnus.

L’impatience qui dévore ma vie s’accélère à chaque seconde 522 comme le mouvement de la pierre qui tombe. Les années et les jours accroissent la pesanteur du fardeau qui m’accable. Souvent la respiration me manque, et mille pensées étranges frappent mon cerveau de leurs rumeurs confuses. Souvent l’Inspiration et l’Ennui se disputent sans raison mon âme palpitante ; plus souvent encore, je laisse la vie s’échapper de mon être, comme une liqueur empoisonnée, d’un flacon de cristal…


C’est trop végéter par la pensée, c’est trop souffrir ! Je veux me raidir contre toi, Désolation muette, dont le regard me tue. Je veux renaître à la vie qui s’agite à mes côtés ; je veux reprendre racine dans le sol fertile où fleurissent les gazons et les myosotis. Haletant, submergé, sur le point de mourir, je veux étreindre toute chance de salut : fleur de nénuphar, cœur de femme, douce haleine d’enfant. Je veux l’aimer, la bénir, la couvrir de mes derniers soupirs, de mes tristes baisers !

Je veux m’emparer des cieux et des eaux, de la terre verdoyante, de la brise qui guérit la fièvre, et du chant de l’oiseau qui repose doucement les âmes fatiguées. Je veux revenir aux amours de ma jeunesse !

Ah ! s’il n’est pas trop tard… je veux dire à la rapide seconde : Belle, trois fois belle, promesse d’infini bonheur, arrête-toi ! Idéal Idéal, dévorant