Page:Cabanis - Rapports du physique et du moral de l’homme, 1805, tome 1.djvu/446

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de cette passion est trop généralement connue pour qu’il puisse être utile ici de la tracer de nouveau ; secondement, parce que, tel qu’on l’a dépeint, et que la société le présente en effet quelquefois, l’amour est sans doute fort étranger au plan primitif de la nature.

Deux circonstances ont principalement contribué, dans les sociétés modernes, à le dénaturer par une exaltation factice : je veux dire, d’abord, ces barrières mal-adroites que les parens, ou les institutions civiles prétendent lui opposer, et tous les autres obstacles qu’il rencontre dans les préjugés relatifs à la naissance, aux rangs, à la fortune ; car, sans barrières et sans obstacles, il peut y avoir beaucoup de bonheur dans l’amour, mais non du délire et de la fureur : je veux dire en second lieu, le défaut d’objets d’un intérêt véritablement grand, et le désœuvrement général des classes aisées, dans les gouvernemens monarchiques ; à quoi l’on peut ajouter encore les restes de l’esprit de chevalerie, fruit ridicule de l’odieuse féodalité, et cette espèce de conspiration de la plupart des gens à talens pour diriger toute l’énergie humaine, vers des dissipations qui