Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/23

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résolu de ne pas verser de larmes, pour lui montrer que je prenais mon parti en brave — je m’arrachai de lui. Je marchais, marchais, le cœur navré ; enfin, après une centaine de pas, comme par instinct, je me retournai : — mon père était encore au même endroit où je l’avais quitté, et, les bras croisés, me contemplait tristement. En le voyant ainsi, je ne fus plus maître de moi ; mes larmes jaillirent involontaires ; un dernier signe d’adieu, et puis nous nous perdîmes de vue.

Depuis cette époque, je me suis élevé petit à petit à la nature de la pierre, et d’autres séparations et d’autres affections brisées m’ont rendu le cœur calleux.

Ne sachant pas l’allemand, le sergent qui m’apprit l’exercice avec la carabine et qui m’enseigna à monter à cheval, fut réduit à me donner mes leçons en latin, qu’il parlait couramment. L’allemand ne me parut pas d’ailleurs trop difficile ; je m’étonnais au commencement, il est vrai, qu’on y dît la soleil, et le lune ; que ni la femme, ni la fille, ni la demoiselle, n’y fussent du genre féminin ; que l’on y nommât les gants, des souliers de main, et un dé, un chapeau pour le doigt ; mais maintenant, au contraire, il me paraît singulier que le Français n’ait qu’un seul et même mot pour exprimer le sentiment qu’il éprouve pour l’amante devant laquelle il se met à genoux, et pour dire ce qu’il sent pour la jument à laquelle il donne un coup