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amasser de quoi se faire plus tard une vie oisive et confortable !

Naigeot pensa mourir d’abord ; ensuite, il calcula qu’il n’avait plus les moyens d’entretenir longtemps son désespoir inactif, et il songea à gagner de quoi augmenter ses cent écus de revenu. Il s’arrangea donc, avec deux ou trois maisons de second ordre, qui n’ayant pas de commis spécial, lui donnèrent chacune, tant par mois, pour venir chaque jour mettre leurs écritures eu ordre. Il gagna de cette manière, six cents francs, qui payèrent sa pension chez Buneaud, tandis que les trois cents autres suffirent à son entretien, à son blanchissage et à ses menues dépenses. Encore, trouvait-il moyen d’en capitaliser une grande partie.

Et voilà les événements bien simples, la vie bien exempte d’excès et de secousses, qui avaient fait d’un homme, né avec tous ses membres et un cerveau bien organisé, la créature abrutie que nous avons rencontrée au commencement de ce récit.

Le lendemain mutin, quand la cloche du déjeuner eut réuni tous les pensionnaires dans la salle à manger de la maison Buneaud, la lettre d’Amérique fut solennellement apportée, sur une assiette, et placée au milieu de la table en guise de surtout : — ou, plutôt, comme la pièce de résistance, destinée à tromper l’appétit des étudiants les plus voraces.

— Qui la lira ? s’écrièrent-ils, tous en même temps.