Page:Cadiot - Minuit.pdf/109

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Et chacun l’examina, la flaira, compta les timbres et les renvois.

— Dites-donc, Naigeot, si c’était une simple lettre de faire part du mariage de votre frère, hein ?

— Ah ! mon Dieu ! c’est bien possible, fit piteusement le teneur de livres. Pourvu que ce ne soit pas pour me demander de l’argent… j’ai bien peur qu’il ne soit dans la misère, ce pauvre Dominique !

— Allons houp ! nous allons le savoir, s’écria celui qui tenait l’épître en brisant le cachet. — Papa Buneaud, en votre qualité de président de l’assemblée, lisez-nous ça !

Buneaud mit ses lunettes, ouvrit l’enveloppe, et lut :


Mon cher frère,

« Tu dois me croire mort, depuis bientôt trente ans que tu n’as reçu de mes nouvelles ; et moi, en traçant ces lignes tardives, je crains de n’y pas recevoir de réponse. S’il m’en arrive une, je sais d’avance quelles pertes cruelles elle devra m’annoncer. Nos parents, sans doute, ne sont plus, et j’éprouve un véritable remords à penser, que je n’ai pas même adouci par correspondance, leurs derniers instants. Si, cependant, ils vivaient encore, si cette lettre te retrouve, sois mon interprète auprès d’eux, mon cher François, obtiens leur pardon pour un fils qui n’a pas démérité d’eux et qui n’a qu’un seul désir, celui de réparer ses torts. Mon ami, il ne faut