Page:Cadiot - Minuit.pdf/110

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pas croire que l’on ait le cœur oublieux et desséché parce que l’on n’écrit pas, quand on tente la fortune, comme moi, dans des pays lointains, et que mille intérêts vous arrachent à vos meilleures pensées. Enfin, grâce à Dieu ! j’ai réussi. J’ai fait fortune, comme on dit, et maintenant, je ne demande qu’à partager mon bien-être avec les miens. Je suis très-riche, François ; si riche même, qu’en France ma fortune paraîtrait exorbitante. Néanmoins, je ne veux pas confier à ma lettre une somme trop considérable, qui pourrait se trouver perdue si cette lettre ne t’arrivait pas. J’y mets donc seulement une traite de dix… mille… francs. »

Buneaud s’interrompit, la voix coupée par l’étonnement, et laissa tomber la lettre sur son assiette.

Alors, une feuille de papier moitié manuscrite, moitié gravée en caractères italiques, portant un timbre en marge, et, au milieu, un espace rayé horizontalement et couvert d’écriture, glissa lentement entre les deux pages de la lettre.

Naigeot saisit le bienheureux mandat aux cris de victoire des étudiants, et arracha la lettre des mains de Buneaud pour en achever la lecture lui-même.

…… « Ce n’est pas, mon cher frère, reprit-il, que je te croie dans le besoin, car je me souviens de ton économie et de ton assiduité au travail. Tu dois donc, de ton côté, avoir acquis au moins l’aisance, et si nos parents existent encore, ils ne sont certainement pas malheureux près de toi. Mais, en France,