Page:Cadiot - Minuit.pdf/113

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vous payer, fit observer avec aigreur une vieille femme, qui s’était jusqu’alors tenue à l’écart, comme fort indifférente à la discussion. — Il est probable qu’à dater d’aujourd’hui, il cessera d’être notre commensal.

— Pourquoi donc, supposez-vous notre ami Naigeot si ladre, qu’il se dispense de nous faire un peu partager sa nouvelle fortune ? reprit-on dans le camp des étudiants. Il aura plaisir, au contraire, à nous inviter tous à dîner…

— Et à nous payer trente francs qu’il nous doit !

— Si mieux il n’aime prendre son temps et nous donner soixante francs demain, quatre-vingt-dix après- demain, cent vingt dans trois jours.

Stupéfait, abasourdi par la lecture de la lettre de son frère, ne sachant encore s’il devait en croire ses yeux et ses oreilles, François Naigeot tenait à la main la traite de dix mille francs, la retournait en tous les sens, la flairait pour ainsi dire, en la couvant d’un regard fixe, sans pouvoir encore se rendre compte de son existence.

Certes, s’il se fût tout à coup trouvé maître et possesseur de la toison d’or des jardins Hespérides, il n’aurait pas été plus étonné. Aussi les acclamations et les compliments de ses commensaux, n’arrivèrent-ils à lui d’abord, que comme un bourdonnement confus. Mais, quand des réflexions générales on passa aux applications particulières, quand il comprit qu’on lui réclamait les trois francs prêtés, avec les intérêts fabuleux de mille