Page:Cadiot - Minuit.pdf/115

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sa chaise. Tout à coup, une horrible crainte venait de lui mordre le cœur.

Si la traite allait être fausse… si les timbres de la poste étaient contrefaits… si la lettre, et tout, n’était qu’une infâme plaisanterie de ces damnés étudiants.

Cette sensation ne dura qu’une minute… une minute de poignante angoisse, pendant laquelle Naigeot, en restant suspendu sur l’abîme qui sépare la misère de la fortune, comprit tout à coup avec une lucidité inouïe, la différence de ces deux termes : être ou n’être pas !…

Le mandat, suspendu au-dessus de sa tête par une main impitoyable, redescendit en voltigeant sur ses genoux.

— Parfaitement en règle ! s’écrièrent dix voix en même temps.

Resté seul en face de son trésor, Naigeot se prit la tête à deux mains, comme pour contenir les idées incohérentes, qui bouillonnaient dans son cerveau.

Aussitôt, comme par un coup de baguette magique, cette lettre avait réveillé l’intelligence atrophiée du teneur de livres. Il sentait la vie s’agiter en lui, cet être sans passé, ce vieillard qui n’avait pas eu de jeunesse, et qui naissait, d’un seul coup, à mille émotions inconnues…

Naigeot ne se rendait pas compte du travail étrange