Page:Cadiot - Minuit.pdf/120

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Au moment où il allait détourner la rue, qui descend au quai en suivant la halle aux vins, il se demanda, pour la première fois, où il allait, et tira de sa poche la traite de son frère pour regarder l’adresse du banquier. Il lut le nom de Rothschild ; et plus bas : rue Laffitte, n° 17.

— Bon ! dit-il, rue Laffitte ! mais c’est loin cela. C’est du côté du boulevard Italien, je crois… Après tout, qui m’empêche de prendre une voiture ? ajouta-t-il mentalement, en appelant du geste un coupé de remise, qui passait.

— Cocher ! chez Rothschild !

— À l’heure ou à la course, bourgeois ?

— À l’heure, bon Dieu ! je ne suis pas pressé.

— Tant mieux, bourgeois. — J’ai onze heures vingt minutes à ma montre.

Jamais de sa vie, Naigeot n’était monté dans un pareil équipage. Il avait été rarement en omnibus, et seule dans des cas de trajets extraordinaires ; et il n’était guère monté en fiacre que deux ou trois fois, à l’occasion de cérémonies importantes, comme des mariages, des baptêmes ou des enterrements. Par hasard, le coupé était propre et même élégant. L’intérieur était tapissé de velours vert, et garni de passementeries assorties ; les glaces étaient pures, et les banquettes confortables. Naigeot s’y installa de son mieux, s’enfonça dans un coin, et étendit ses jambes dans la fourrure à longues soies qui servait de tapis.