Page:Cadiot - Minuit.pdf/123

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ment. Quoi ! ce n’est pas moi qui paie, c’est moi qu’on paye ! Quoi ! ce n’est plus moi qui suis derrière le grillage, c’est moi qui présente fièrement mes valeurs à la porte ?

Le commis passa les billets de banque avec indifférence. Naigeot les saisit, les recompta, et resta plante sur ses jambes devant le guichet, en regardant son sosie avec des yeux fixes.

— Eh bien ! s’écria celui-ci avec étonnement, n’avez-vous pas votre compte ? laissez la place aux autres, maintenant !

Naigeot s’aperçut alors que de nouveaux venus le poussaient, et se recula pour attacher solidement avec une épingle les billets dans son gousset. Puis il reprit le chemin de la porte, non sans avoir jeté un dernier regard sur les bureaux, et sur cette foule qui se pressait à la caisse ; non sans avoir prêté une dernière fois l’oreille, au son de l’or qui tintait dans les sébilles. Il rejoignit sa voiture en se demandant s’il s’agitait dans la vie réelle, ou bien dans une fantasmagorie passagère, que quelque coup de cloche allait faire disparaître.

— Où faut-il vous conduire, bourgeois ? demanda le cocher.

— Mais, dit machinalement Naigeot, chez moi… ou plutôt non… si… Attendez… Savez-vous où demeure monsieur Chevet ?

— Monsieur Chevet ?… dam !… Est-ce le marchand de comestibles ?