Page:Cadiot - Minuit.pdf/132

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avec une violence inouïe. Il se sentait pris des folles et vertigineuses aspirations de la jeunesse, il rêvait l’amour, le luxe, les chevaux, les mille plaisirs que donne la fortune quand on a vingt ans. Bien de tout cela n’était peut-être bien formulé dans son esprit, mais il voyait passer comme une fantasmagorie devant son imagination toute la journée de la veille, il récapitulait toutes les jouissances qu’il avait entrevues, et il aurait voulu toutes les prendre.

— Oh oui ! oui ! se disait-il, vivre quoi qu’il en coûte !… savourer toutes les joies, boire le plaisir à toutes les coupes, à tout prix ressaisir quelques jours de la jeunesse envolée… et puis partir !

» Les riches ne sont-ils pas heureux partout ?… Et, d’ailleurs, je me hâterai de faire fortune, et je reviendrai… à Paris !

» Après tout !… je ne serai pas vieux encore !… s’écria, en se redressant d’un pied, le pauvre teneur de livres qui, vingt-quatre heures avant, n’avait pas le courage de placer trois francs sur son avenir ! »


II.

Trois mois se sont écoulés. Nous sommes à la Nouvelle-Orléans. Le port est en rumeur, car un navire français vient d’arriver. De tous côtés s’agitent sur le quai les Américains qui attendent des marchandises ou des