Page:Cadiot - Minuit.pdf/133

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voyageurs. Les pilotes côtiers et les lamineurs s’empressent avec leurs canots, autour du navire, pour débarquer les passagers.

Il fait une chaleur torride. Le ciel, d’un bleu foncé, n’a pas un nuage. La mer est bleue comme lui. Le soleil darde d’aplomb sur la foule, et découpe nettement les ombres portées, en silhouettes courtes et noires.

Cependant les Américains, en chapeaux de paille et en vestes blanches, entourent les arrivants pour savoir, les premiers, quelles nouvelles la vieille Europe leur envoie. On crie, on va, on vient, on se pousse. Sur le port on décharge les bagages, que des matelots, des nègres, des gens de toutes couleurs, empilent sur des voitures pour les transporter à leur adresse. C’est un branle-bas général, un bruit, un mouvement, dont ceux qui connaissent l’activité prodigieuse de ces grandes cités marchandes peuvent seuls se faire l’idée.

Au milieu des passagers qui débarquent, se démène un homme gras et chauve, qui semble soutenir une discussion avec le comptable du navire, et donne bruyamment ses ordres aux matelots d’un air d’importance.

C’est François Naigeot qui règle ses comptes et donne, pour prix de son passage, les derniers cens qui lui restent. Après avoir dépensé les dix mille francs envoyés par son frère, il a vendu à vil prix sa rente viagère pour payer ses frais de route. Il arrive, les poches vides d’argent, mais le cœur plein d’espérance, et c’est d’une voix assurée, qu’il donne l’ordre de conduire ses