Page:Cadiot - Minuit.pdf/140

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— Mais, quoi ? mon oncle, vous a-t-il trompé ?

— Vous êtes beaucoup plus belle que je ne croyais, répondit naïvement le teneur de livres.

C’était en effet une ravissante créature, que Louise Naigeot ; une de ces beautés exceptionnelles qui séduisent à première vue, parce qu’elles sont complètes, et qu’elles tirent un charme indéfinissable de l’harmonie générale des lignes, du geste et de la voix, qu’aucune dissonnance ne vient rompre. Louise pouvait avoir dix-huit ans tout au plus. Elle était blonde, mais d’une teinte chaude, comme les blondes que nous ont peintes les artistes vénitiens. Elle avait la taille souple et les extrémités fines et jolies des créoles, leurs mouvements arrondis et moelleux, sans leur paresse languissante. Vu contraire, elle alliait à cette grâce une vivacité d’allures et de réparties, qui ajoutait à toute sa personne un attrait de plus.

Jamais l’ex-caissier de madame Gobain, et le triste pensionnaire de la maison Buneaud, n’avait rien vu qui ressemblât, même de loin, à cette adorable jeune fille.

Il restait ébahi devant elle comme devant une figure idéale entrevue dans un songe, et il oubliait tous les événements qui mettaient en question son présent et son avenir.

Louise, qui n’avait pas quitté son père pendant les derniers mois de sa vie, n’ignorait point ses regrets au sujet de cette famille de France trop longtemps oubliée. Aussi quand sa mère lui eut présenté son oncle, es-