Page:Cadiot - Minuit.pdf/143

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Naigeot éprouva-t-il une secousse au cœur qui arrêta subitement ses pensées heureuses ? Nul, moins que lui, n’aurait pu le dire peut-être, mais, il sentit un mouvement de haine, contre ce jeune homme qui s’asseyait aux côtés de Louise, et qui lui parlait avec l’aisance du bonheur permis. Ce fut rapide, comme la pensée qui naît et meurt en un quart de seconde, mais, il en resta assez de traces, pour que l’oncle ne pût réussir à saluer amicalement son futur neveu.

Le dîner fut gai cependant, car Louise, qui était bien pour tout le monde la reine du logis, anima la conversation par les joyeux éclats de son bonheur. Il y avait, près de six mois déjà, que Dominique Naigeot était mort, et dans les jeunes esprits, la nature pleine de sève, chasse vite les tristes souvenirs. Entre son fiancé, qu’elle aimait, et son oncle, auquel elle voulait faire fête, elle fut facilement charmante. Les vieux commis, dont elle était l’idole, se faisaient les échos de sa joie, et Naigeot ne pouvait s’empêcher de l’écouter et de la regarder avec ravissement.

Madame Naigeot, seule, parut préoccupée. Au dessert, elle engagea sa fille, à aller se promener sur la jetée avec les commis et Charles. Après une demi-heure de conversation générale tout le monde sortit, et elle demeura avec son beau-frère.

— Eh bien ! lui dit-elle, mon frère, vous avez dû éprouver un cruel désappointement en arrivant ici ? Vous êtes venu y chercher une triste nouvelle.