Page:Cadiot - Minuit.pdf/151

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en une seule passion ; mais violente, mais insensée, mais inexorable, comme sont, seulement, ces passions des vieillards qui veulent venger, par une dernière joie, leur jeunesse gaspillée : il est amoureux fou de sa nièce.

En vain se représente-t-il, à ses moments lucides, que nul événement probable ne viendra changer sa vie ; que son sort est à jamais fixé ; qu’il a pour avenir la solitude et la misère ; que la jeune fille enfin le traite en oncle et en ami, mais garde son amour pour son fiancé : il sent bouillonner en lui des désirs invincibles ; il sent courir dans ses veines un sang brûlant qui lui monte à la tête et l’enivre.

Ses nuits sont pleines de songes tentateurs et décevants ; tantôt, il voit ruisseler l’or comme un fleuve qui lui ouvre l’espace et renverse tous les obstacles sur ses rives ; tantôt, Louise lui apparaît plus belle que jamais et l’appelle avec des paroles d’amour.

— Et cependant, se dit-il au réveil, cette fortune et Louise pourraient être à moi !… Un oncle peut épouser sa nièce…

Qui m’empêche de saisir d’un même coup tous ces bonheurs ?… — M. Charles Moitessier ! un inconnu pour moi… un être insignifiant, inutile, qui pourrait disparaître demain, sans que… — Mais non ! je me trompe ! que me fait ce Moitessier ? C’est la mère, qui est là, veillant sans cesse autour de sa fille, défendant sa fortune, organisant l’avenir avec son activité infernale et sa vo-