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à mourir. Elle pria sa sœur de servir de mère à l’orpheline en cette occasion et de la recevoir chez elle jusqu’à la cérémonie du mariage. — Mon frère, ajouta-t-elle, M. François Naigeot, remplacera naturellement feu mon mari comme tuteur légal de sa nièce.

C’était la première fois qu’il était question du teneur de livres dans toutes les affaires qui venaient de se régler. Jamais peut-être il ne s’était senti aussi étranger qu’en ce moment à la famille de son frère.

Madame Naigeot remarqua sans doute sur son visage une contraction pénible, car elle reprit avec un accent amical, en se tournant vers les commis :

— Ces messieurs savent, mon frère, qu’en cédant la maison à MM. Stéphenson et Cie, de Londres, j’ai posé comme condition que vous garderiez ici votre position actuelle. Je ne parle pas de la petite rente viagère que je recommande à mes héritiers de vous servir quand vous vous retirerez du commerce. Cela va de soi.

Naigeot fit une inclination de tête sans pouvoir articuler une parole. Il lui fallait exprimer la reconnaissance, et la colère l’étouffait. Il aurait voulu tuer d’un coup d’œil tous les gens qui venaient de se tailler une part dans cette fortune, dans ce repos, dans cet avenir dont lui seul était exclu.

— Ainsi, pensait-il, voici mon sort ! Le travail odieux que je fais depuis trente ans, tant que j’aurai des mains pour écrire, des yeux pour distinguer les chiffres et la tête assez libre pour compter… et après