Page:Cadiot - Minuit.pdf/160

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avoir arpenté le salon dans tous les sens il sortit. L’enfer tout entier lui passait dans le cœur.

En se séparant, la famille convint que Charles choisirait ce moment d’épidémie pour faire, avant le mariage, un dernier voyage à Boston. La sœur de madame Naigeot offrit d’emmener Louise à sa maison de campagne, dans une des îles des embouchures du Mississipi, où, disait-elle, la fièvre jaune était moins à craindre que dans la ville.

Malgré les instances de Charles Moitessier, on ne se rangea pas tout de suite à ce dernier parti. La mère hésitait à quitter sa fille, même un instant, et Louise ne voulait pas s’absenter, au moment où, l’épidémie dans toute sa violence, pouvait rendre éternelle une séparation de quelques jours.

On remit la décision au lendemain, et la famille se sépara.

Naigeot s’était enfermé dans sa chambre où il s’agitait poursuivi par les furies. Jamais l’idée que de pareilles luttes pussent déchirer le cœur de l’homme ne lui était venue. Il sentait, tour à tour, les résolutions les plus dissemblables se succéder dans son esprit et se détruire l’une l’autre. Il lui semblait qu’un ouragan, violent comme ceux des tropiques, déracinait jusqu’à ces principes innés qui coexistaient avec sa propre vie. Pour la première fois, Naigeot, le teneur de livres abruti ou le viveur effréné, se demandait ce que c’était que la conscience, cette puissance inconnue qui se