Page:Cadiot - Minuit.pdf/171

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plage déserte pour y aborder sans être vu. Alors il rama doucement pour ne pas éveiller l’attention des garde côtes ; il se coucha presque au fond de son canot, car il lui semblait que sa silhouette apparaissait sur le ciel comme l’ombre de Caïn ; et, dès qu’il eut mis pied à terre, il repoussa au large la barque et la rame qui l’avaient amené.

Il glissa le long des quais en évitant les regards ; il enfila les rues les plus solitaires, et dévora l’espace comme pour mettre une plus grande distance entre ses victimes et lui. Lorsqu’il eut traversé la ville et les faubourgs, il s’assit au pied d’un arbre et prit sa tête dans ses mains, pour essayer de réunir ses pensées.

Depuis qu’il avait commis son crime, elles n’étaient plus les mêmes. Il ne sentait pas une joie immense d’être débarrassé de tous les obstacles qui défendaient Louise et sa fortune, mais un étonnement glacial ; il n’éprouvait ni la rage folle de profiter des instants pour enlever sa nièce, pour s’approprier des titres et des valeurs et s’enfuir, ni l’énergie du bandit qui calcule ses chances de perte ou de triomphe. Non ! il était saisi d’une terreur vague, mais aigüe. Il jetait autour de lui des regards effarés, comme s’il avait craint de voir apparaître les exempts de la justice de Dieu.

Cependant ce qui lui restait de raison lui criait d’aviser au plus vite à sa situation, de choisir le parti qu’il voulait suivre et de l’embrasser sans retard. Chaque