Page:Cadiot - Minuit.pdf/182

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une sensation étrange. Il osa regarder autour de lui et poussa un cri.

Sa sœur et les deux commis étaient toujours là, mais livides, mais glacés.

Leurs yeux étaient fixes et couverts du nuage terne de la mort ; leurs membres étaient inertes et rigides. À la place de la tache bleue que la veuve avait au front, il reconnut une horrible blessure.

À cette vue, le teneur de livres bondit comme un fou en appelant au secours.

Naudin était dans son fauteuil en travers de l’entrée du bureau. D’une main il tenait encore une liasse de billets de banque ; de l’autre, il serrait la clef de la maison de toute l’énergie d’une dernière étreinte.

Naigeot tournait dans cette cage vitrée, éternelle prison de sa vie, comme dans un cercle de l’enfer. Il appelait au secours de toutes ses forces, mais la maison était déserte, et sa voix s’éteignait dans un silence de mort. Il était là au milieu de ses victimes comme au centre d’une armée ennemie. L’immobilité des cadavres était une muraille inexpugnable qu’il ne pouvait franchir. Il priait, il pleurait, il s’arrachait les cheveux, il se vouait à des expiations éternelles, et rien ne venait rompre son horrible vision.

De temps à autre, seulement, il sentait des gouttes d’eau fétide et glacée ruisseler jusque sur lui.

Pour sortir, il aurait fallu prendre la clef dans la main