Page:Cadiot - Minuit.pdf/183

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rigide du caissier, saisir à bras le corps son cadavre et le pousser hors de l’issue qu’il fermait.

Naigeot raidissait toute sa volonté et s’avançait avec une résolution suprême. Mais, dès qu’il sentait le choc de ce corps inerte et le froid de cette eau, dont chaque goutte en imbibant sa chair lui semblait faire une trouée jusqu’à ses os, il s’arrêtait comme repoussé par une force invincible et se cramponnait au grillage pour ne pas tomber.

Des heures, longues comme des heures d’agonie, horribles comme des siècles d’enfer, s’écoulèrent ainsi.

Enfin au milieu du silence de la nuit, Naigeot entendit une rumeur, lointaine d’abord, puis rapprochée, qui circulait de rue en rue dans la ville.

Cette manifestation de la vie lui donna un dernier courage : il s’élança en avant, repoussa violemment le cadavre, lui arracha les billets de banque et la clef, et courut à la porte des magasins.

Il essaya de distinguer la serrure, mais ses yeux étaient troublés ; il la chercha à tâtons, mais ses mains tremblaient.

La rumeur approchait toujours.

On eût dit une foule grossissante qui s’amassait devant la maison en poussant des cris.

Naigeot agitait sa clef avec un empressement fiévreux et ne parvenait pas à ouvrir. Alors, il secouait la porte et frappait des coups dont la force était décuplée par la peur. Enfin la serrure céda.