Page:Cadiot - Minuit.pdf/191

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le nombre de jours de Toussaint, où la puissante baronne était venue dire ses patenôtres en l’église des onze mille Vierges, et ses messes d’anniversaire qu’elle avait fait dire pour le sire Ulrich et pour deux autres maris qu’elle avait eus depuis sa mort, on eût pensé peut-être que depuis longtemps les jours de sa jeunesse étaient passés ; mais il suffisait d’un regard pour se convaincre que les années ne l’avaient pas marquée de leur sceau. C’était une jeune fille encore. Elle avait cinquante ans au moins, et n’en paraissait pas vingt.

Riche, puissante, noble de son chef à anoblir toute une race de vilains, madame Isobel aurait dû être recherchée en mariage par les plus grands seigneurs de la contrée.

Il n’en était rien pourtant. Jamais, depuis longues années, une joyeuse cavalcade de chasseurs entonnant l’hallali n’avait fait abaisser le pont-levis de Linkenberg ; jamais, ni les chevaliers ni les dames n’allaient la visiter dans son donjon hautain. Elle vivait seule, renfermée à Linkenberg, sans voir d’autre visage que celui d’un vieil intendant depuis soixante ans attaché à la famille, et celui d un page, pauvre enfant triste et malingre, qui semblait avoir à peine la force de porter son missel, en l’accompagnant à l’église.

C’était d’ailleurs une créature exceptionnelle qu’Isobel de Saul. Elle était si mince, si frêle, si pâle, qu’elle ne semblait pas appartenir à la terre et devoir la vie à des êtres humains. Au moment où nous venons de l’en-