Page:Cadiot - Minuit.pdf/196

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au moment où, après s’être tous deux signés d’eau bénite, ils soulevaient la lourde portière de tapisserie qui fermait intérieurement l’église… j’aimerais autant te voir amoureux de la Loreley[1] ! ajouta-t-il.

— Mais, mon maître, pourquoi cela enfin ? demanda l’étudiant d’un ton où se mêlaient l’impatience et l’angoisse.

— Parce qu’elle ne peut jamais être à toi !

— Je ne le sais que trop ! s’écria Franz avec un mouvement de rage… mais, après tout, maître Sturff, de quel droit êtes-vous venu espionner les battements de mon cœur ? de quel droit me demandez-vous compte d’un secret que j’aurais voulu me cacher à moi-même ? — Vous n’êtes ni mon père ni mon confesseur… — Vous dois-je quelque chose ?

Maître Sturff garda le silence, et fronça le sourcil.

— Mon Dieu ! reprit en soupirant le pauvre étudiant, je n’ai jamais nourri, soyez-en sûr, la folle espérance d’être aimé d’elle !… ne sais-je pas, qu’il y a entre la châtelaine de Linkenberg, et un pauvre hère comme moi, des abîmes que rien ne saurait combler ?… ah !… soyez tranquille, mon maître !… Si Franz l’étudiant, agenouillé au coin du tombeau de sainte Ursule, vit d’amour, de rêves et de poésie, au moins ne se forge-t-il pas, pour la vie de ce monde, d’irréalisables

  1. Sorte de sirène qui, suivant les légendes rhénanes, attirait les voyageurs par des chants pour les dévorer.