Page:Cadiot - Minuit.pdf/197

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chimères… je n’ai ni l’ambition ni l’orgueil d’aspirer à la châtelaine de Linkenberg… je sais bien que lorsqu’elle passe là, près de moi… — qui frémis et qui tremble… — elle ne me voit seulement pas… et je ne puis ignorer qu’un jour… un jour prochain peut-être… quelque haut et puissant seigneur l’épousera et l’emmènera dans son manoir…

Des sanglots étouffés coupèrent la voix de l’étudiant ; il se laissa tomber un instant tout en pleurs sur l’épaule de son ami ; puis, comme honteux de sa faiblesse, il se releva tout à coup et fit un mouvement pour s’échapper définitivement.

— Mon ami, reprit Sturff d’une voix grave en le retenant par la main, tu n’as pas compris ; en te disant qu’Isobel ne pouvait pas être à toi, je n’ai pas prétendu rappeler les distances sociales qui vous séparent, et te faire sentir plus cruellement des obstacles que tu connais comme moi… Non ; si j’ai fouillé les replis de ton cœur pour en surprendre le secret, c’est que j’ai cru utile de te désabuser… il y a entre vous une barrière plus forte et plus invincible que tous les préjugés sociaux… car l’amour quelquefois les surmonte…

Isobel ne peut pas plus être à un haut et puissant seigneur qu’à toi… Isobel n’est pas une femme ordinaire, elle n’appartient pas à la terre… il faut même que tu sois aussi nouveau dans le pays et aussi peu curieux des légendes populaires pour ignorer l’histoire étrange qui environne sa vie de mystères…