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que redoutaient les autres seigneurs, et à leur montrer, dans les tournois ou à la chasse, toute la supériorité de sa force physique.

Cette rude vie avait empreint ses manières d’une sorte de sauvagerie brutale. Isobel, douce et craintive créature, ne s’accoutumait guère, malgré tout son respect pour son redoutable époux, à ces façons grossières et peu courtoises.

Elle frissonnait quand elle l’entendait jurer, et le noble sire ne se faisait point faute dans ses fréquentes colères d’apostropher le ciel et l’enfer. Elle avait peur de ses caresses, elle fuyait la bruyante expression de sa grosse joie, et pleurait dans le silence de son oratoire.

Elle languissait enfin, et s’étiolait sous la domination de son terrible époux, comme ferait une fleur délicate des climats du Nord, sous les rayons brûlants du soleil d’Afrique.

De son côté, le sire de Linkenberg, qui s’épuisait en prouesses, en dons magnifiques et en protestations d’amour, ne comprenait rien à cette mélancolie.

C’est qu’Isobel n’éprouvait que de la terreur pour tout ce fracas des joies humaines. Elle semblait appartenir à un autre monde et passer ici-bas le temps de son exil. Tu la vois bien frêle, bien pâle, bien séraphique ; Eh bien ! à cette époque, elle était comme l’ombre de ce qu’elle est aujourd’hui.

Et, plus Ulrich l’entourait d’amour, plus elle faiblis-