Page:Cadiot - Minuit.pdf/208

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gris et tirés, ses lèvres bleuies, ses yeux, ses yeux surtout, qu’on n’avait pu parvenir à fermer, et dont les prunelles ternes et immobiles semblaient fixer l’infini, offraient la plus saisissante image de la mort qui pût frapper une jeune imagination… Je la vois encore !…

Le baron fit durer les cérémonies des funérailles le plus longtemps qu’il put, car elles occupaient sa douleur. Mais enfin, quand toutes les prières de l’église eurent été dites, que le cercueil eut été refermé et descendu dans la tombe devant toute la population de Cologne et des environs, il lui fallut bien rentrer à son château et reprendre son train de vie ordinaire.

Il consacra la plus grande partie de son temps à surveiller les premiers pas et la première éducation de son cher enfant ; mais, soit qu’il se reprochât d’avoir involontairement abrégé la vie de sa chère Isobel, en ne lui sacrifiant pas les habitudes grossières qui la faisaient souffrir, soit, qu’à rebours du commun usage, le souvenir de la défunte devînt plus vif à mesure que le temps s’écoulait, sa douleur augmentait chaque jour davantage.

Il finit par tomber dans une mélancolie noire, dont les joyeux ébats du jeune Conrad ne parvenaient même pas à le distraire. Ses gens en vinrent à craindre pour sa vie, car bientôt sa santé parut visiblement altérée.

— Mais pour Dieu ! prends un verre de vin, mon cher Franz, car tu as la fièvre, s’écria Sturff en interrompant son récit.