Page:Cadiot - Minuit.pdf/210

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de la châtelaine, et il y resta, car le mal augmentait au lieu de diminuer.

Cependant, quelquefois le chagrin faisait place à la colère, dans cette âme habituée jadis à voir tout fléchir sous ses commandements. Il lui semblait, qu’en raidissant sa volonté distendue, il tirerait Isobel du fond même de la tombe ; ou plutôt, sans raisonner ni formuler ses désirs, le sauvage baron adjurait le ciel et l’enfer de lui rendre sa femme, comme un enfant mutin qui voudrait ressusciter par des cris, le passereau qu’il a tué.

Vers ce temps, beaucoup de gens vinrent au château mandés par monsieur le baron. Outre les visiteurs habituels, on y vit de bons prêtres réputés pour faire des miracles, et aussi quelques autres personnes également puissantes, mais de moins bonne renommée. Mon excellent maître Corneille Agrippa de Nettesheim (Dieu ait son âme !) y alla, dit-on ; mais, de cela, je ne suis pas bien sûr, et je ne voudrais pas charger sa mémoire de ce qui advint depuis au manoir de Linkenberg.

Kraupt, le vieux domestique qui est aujourd’hui le factotum d’Isobel, était alors le valet de confiance du baron. C’était lui qui veillait son maître, passait la nuit à son chevet, et lui présentait les potions calmantes qui devaient adoucir son mal.

Il avait là une triste charge, car le sire Ulrich, au dernier degré de la consomption, avait été abandonné par tous les médecins d’alentour et sa mort paraissait imminente. En attendant sa fin, le baron ne sortait de ses