Page:Cadiot - Minuit.pdf/225

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pimpante dame aux brillants atours, au bruyant cortége, qui dévorait l’espace sur son cheval fougueux.

Bientôt, même, il ne put qu’à peine suivre les cavalcades dans les campagnes, les rochers et les forêts. Mais, il serait mort en chemin, plutôt que de laisser Isobel une heure, plutôt que de renoncer aux plaisirs de sa jeune cour.

En vain, sur son passage entendait-il les plaintes de ses vassaux qui le voyaient dépérir. En vain, les médecins lui ordonnaient-ils le repos. Chaque jour, plus avide des jouissances qui semblaient le fuir, il demandait lui-même des fêtes lorsqu’Isobel n’en donnait pas. Quand les jeunes chevaliers étaient ivres, il tendait encore son verre vide. Quand ils tombaient de lassitude après les danses échevelées, Ulrich, entourant Isobel de ses bras amaigris, réclamait une nuitée d’amour.

Mais, un lendemain d’orgie le château se tendit de noir. Les fleurs, arrachées des tourelles et des fenêtres, furent lancées à la dérive sur le Rhin que traversait un bateau de deuil ; les convives s’enfuirent de toute la vitesse de leurs chevaux, le glas sonna dans toutes les églises environnantes. C’était le convoi du sire de Linkenberg, mort caduc dans toute la force de l’âge tandis qu’Isobel la ressuscitée, plus jeune et plus belle que jamais, récitait des psaumes et menait le deuil.

Maître Sturff s’interrompit un instant pour regarder Franz, qui, la respiration entrecoupée et les yeux fixes,